jeudi 19 avril 2007

Honorable Justin Bitakwira : Nous devons préparer notre peuple à une résistance permanente.

Interview
Doc. No 0009/ INT-2007 Edition du 01 avril 2007
A la rencontre avec l’honorable Justin Bitakwira
accordée à la tranche du FEU « En toute vérité » à son domicile de Kinshasa/Mont-Ngafula
Date : 01 avril 2007

Forum d’Elites d’Uvira
Vous venez de séjourner dans votre circonscription électorale d’Uvira, quelle est la situation sécuritaire de ce territoire en général et celle de Runingu en particulier ?



Honorable Justin Bitakwira
En ma qualité de Député National élu, je viens de séjourner dans ma circonscription électorale d’Uvira, du 02 au 16 mars 2007. La situation sécuritaire est très inquiétante comme si le décor de la guerre de 1996 est de nouveau planté sans que les autorités tant au niveau local (sans moyen politique, ni matériel), qu’au niveau provincial ou national ne puissent s’en préoccuper vraiment. Militairement, les Mai-Mai ont été anéanti complètement alors que les alliés d’hier du RCD notamment une parties des insurgés de Laurent Nkunda et de Mutebusi, majoritairement Tutsi sont devenus militairement puissants et encerclent presque tout le territoire d’Uvira pour ne pas parler de tout le Sud-Kivu.

Le peuple désemparé, ne sait à quel saint se vouer, fort malheureusement. Vous savez, il s’est installé dans notre pays une culture : Chaque fois que nous voulons nous exprimer, dénoncer le comportement de « Banyamulenge » (en dehors de ceux qui adhèrent à se comporter comme congolais), on nous qualifie d’extrémiste, comme si même face à notre extermination ou occupation, nous devons croiser les bras. Il y a des infiltrations flagrantes dans la plaine de la Ruzizi en particulier et dans le territoire d’Uvira en général.

Dans les Haut-plateaux, le Groupe de Masunzu qui s’affronte avec le groupe des insurgés, curieusement, la haute hiérarchie militaire de Kinshasa et de la 10e Région militaire (surtout celle de Kinshasa), semble ne pas comprendre comme au temps de Mobutu, en traitant avec beaucoup de légèreté cette question qui peut être fatale pour le nouveau pouvoir.

Le 1 + 4 est encore militairement opérationnel et chaque officier supérieur tire le drap du côté de sa prochaine défunte composante. Ce qui se passe à Uvira, dans les hauts et moyens plateaux d’Uvira et de Fizi est pire que ce qui s’est passé avec le Sénateur Jean Pierre Bemba. Des hommes armés qui occupent des espaces, sans qu’on puisse réellement les identifier pour connaître s’ils sont tous véritablement congolais qui défient l’Etat.

Quant à ce qui s’est passé à Runingu, ce n’est qu’un arbre qui cachait la forêt et des cas pires que ceux de Runingu vont se produire car les militaires Tutsi insurgés au Nord et au Sud-Kivu savent qu’ils peuvent tout se permettre sans que personne ne lève son petit doigt. Quand un autre congolais ose se comporter comme eux, tout l’arsenal militaire utilisé pour tirer sur tout ce qui bouge. Souvenez-vous du cas du Colonel Abdou et bien d’autres.

C’est par peur que la population de Runingu a fui leur localité entre le 24 et 26 mars 2007 vers Kiliba et Sange. La délégation du Gouvernement et du commandant de la 10e Région militaire ne sont pas parvenus à ramener ces insurgés à l’ordre militaire. D’ailleurs, sont-ils des militaires congolais au moment où ils ne peuvent obéir à aucun ordre de la hiérarchie militaire congolais ! Si leurs préalables ne sont pas pris en compte, tant pis pour les autorités politico-militaires congolaises.

C’est pourquoi, toute notre population et notre jeunesse étaient déjà prêtes à une nouvelle résistance populaire. Et par rapport à ce qui se passe dans les hauts et moyens plateux, voir l’administration de fait de « Minembwe » comme territoire de fait et se rappellent de la guerre d’extermination et d’humiliation de 1996 et 1998 et considérant la disproportion actuelle entre nos résistants Mai-Mai, toutes les autres tribus et celle de la communauté « Banyamulenge », il faudrait que Minembwe devienne une base militaire de la RDC comme tant autres ; Kitona etc… Si Minembwe ne devient pas une base militaire pour sécuriser en même temps les innocent « Banyamulenge » et les Autochtones d’Uvira, ça c’est mon point de vue, nous devons préparer notre peuple à une résistance permanente. Kinshasa est très loin pour nous sécuriser. Et tout ceci est souvent fait expressément et de fois par naïveté.

Mais, selon certaines indiscrétions, le Gouvernement congolais promet de protéger plus le Rwanda que son propre peuple. C’est qu’il nous appartient d’abord de nous assumer et de nous prendre en charge à chaque seconde de notre vie, car les élections ou la démocratie n’empêchent pas la mort gratuite de certains congolais.

Forum d’Elites d’Uvira
Parlez-nous plus particulièrement des faits qui se sont passés dans la localité de Runingu


Honorable Justin Bitakwira
Depuis les affrontements entre les troupes du Général Masunzu et les insurgés de Rukunda, anciens collaborateur de Mutebusi, cette question a été gérée par le commandement de la Force terrestre dirigé par un officier militaire du RCD, qui a géré cette question avec beaucoup de partialité en faveur des insurgés et au détriment des troupes loyales dirigées par le Général Masunzu. Il a même été décidé par cet officier supérieur que les troupes loyales quittent Minembwe pour le brassage pour permettre d’ailleurs aux insurgés d’occuper alors les lieux. Mesure, heureusement, qui a été suspendu plu tard. Ceci a entêté sérieusement ces insurgés jusqu’à vouloir tout se permettre. A travers la 10e Région militaire, sur injonction certes de Kinshasa, les insurgés ont été demandés de descendre par Runingu pour le brassage (à Luberizi).

Arrivés à Runingu, le commandant de la 10e région militaire accompagnant le Gouverneur de la province vient négocier avec eux (les insurgés). Ils refusent tout ordre. Ce qui fait craindre les populations de Runingu qui ont vu les autorités rentrer à Bukavu laissant ces militaires lourdement armés sous leur coup.

Forum d’Elites d’Uvira
Comment évolue le dossier Kahemba et quelle est votre lecture concernant les insécurités qu’on trouve dans plusieurs coins de la RDC ?

Honorable justin Bitakwira
Le dossier Kahemba est un dossier ultra-sensible. Mais moi en tant qu’honorable député, je ne peux rien dire tant que notre commission parlementaire ne revienne à la plénière nous soumettre son rapport. Ce rapport nous estimons qu’il sera le plus objectif et nous aidera à trancher. Si certaines autorités qui se sont précipitées à faire certaines déclarations ont tapé à côté de la vérité, j’estime qu’elles doivent être sanctionnées pour qu’on ne badine plus avec l’intégrité de notre territoire. Toutefois, il faut craindre avec Kahemba les idées véhiculées par l’ex-président Rwandais Pasteur Bizimungu selon lesquelles il faut revoir les frontières de 1885 car ce serait la fin de la RDC parce que chaque voisin de la RDC voudra récupérer « son morceau ». La RDC qui fut dans son histoire une association AIC (Association Internationale) risque d’être partagée entre « Association ».

Depuis 1960, nous sommes un Etat indépendant et Souverain. C’est plutôt le moment de pouvoir engager, dans les mois ou années qui suivent, des procédures pour récupérer le delta de Katumba, etc…

Forum d’Elites d’Uvira
Que vous inspire la guerre de 48 heures à Kinshasa (du 22 au 23 mars 2007) et quelle leçon faut-il en tirer ?

Honorable Justin Bitakwira
La guerre de 48 heures de Kinshasa était prévisible. Il y eu certaines erreurs de tous les côtés qui pouvaient être évitées. D’abord, nous devons retenir qu’il y a déjà des institutions légalement élues qui sont mises sur pied notamment la Présidence de la République, l’Assemblée Nationale, le Sénat et le Gouvernement. Ce qui est vrai, personne n’est au dessus de la loi ; personne ne doit l’enfreindre. Malheureusement, beaucoup de gens ne s’en sont pas encore conscients. Moi je crois que pour un pays en post-conflit, nous devons éviter des réactions épidermiques. La politique doit primer sur la force militaire, elle doit primer sur tout ; et c’est elle qui conduit la nation.

Des gens doivent éviter d’induire le chef de l’Etat en erreur. Bien que le comportement du Sénateur Jean Pierre Bemba était prémédité et cachait beaucoup de chose derrière la tête, certes les services des renseignements avaient des rapports criants sur tous les faits, mais tout était politique. L’Etat Major de l’armée étant plus technique que politique, ça ne devait pas tomber comme un cheveu dans la soupe. C’est le politique qui devait précéder avant d’en venir aux dégâts que nous avons connus et déploré.

Mais à travers le pays, il y a beaucoup de gens qui se comporte comme Jean Pierre Bemba qui doivent subir la rigueur de la loi. Je viens de vous parler des insurgés au Sud-Kivu, de Laurent Nkunda etc… Mais si c’est seulement ceux qui menacent la capitale qui subiront la rigueur de la loi et qu’une partie seulement de notre armée soit brassée, une autre mixée ou intégré, nous préparons le lit des récalcitrants. Mais le récent point de presse du Président de la République semble rassurer : nous voulons aussi que tous les fauteurs des troubles soient traqués.



Forum d’Elites d’Uvira
Que faire pour retrouver la paix en RDC ?

Honorable Justin Bitakwira
L’histoire de notre pays est émaillée de beaucoup de pages sombres et cette même histoire nous apprend que chaque fois que la RDC franchit un virage historique important, elle est poursuivie par le signe indien pour ne pas se relever. Elu ou pas, tant que nous n’aurons pas de régime de moralisation du peuple et de la remise à niveau civique au peuple, nous ne pouvons nous attendre à quoi que ce soit. Un peuple sans conscience est un peuple mort. Il faut aussi un leadership politique.

La paix, nous ne pouvons l’avoir que quand nous aurons pris conscience que nous avons été si léger pour nous assumer. Il faut un leadership digne de remettre au pas les congolais, même moyennant un fouet. Qui peut nous respecter quand on nous finance des routes et nous engageons des sociétés qui nous asphaltent des routes qui ne durent même pas trois ans sans que personne n’en parle.

Nous sommes nous-mêmes complices de notre occupation, de notre misère et demain nous le serons pour la disparution de notre pays.

Moi, j’ai une vision pour ce pays. Que les ancêtres, la nature et Dieu m’aident à l’accomplir un jour ou alors que je sois entendu.

Merci

Propos recueillis par Bienfait Baleke Kiza, Coordonateur national du FEU.

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